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 Art-isanat

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sydn
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sydn


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MessageSujet: Art-isanat   Art-isanat Icon_minitimeJeu 6 Aoû - 13:49

Lors de l’écriture de cet article, je me demandais constamment si j’allais aller quelque part avec tout ça. En me relisant, je me dis qu’on ne saisit pas la finalité des idées avancés… C’est tout simplement parce qu’il n’y en a pas. Une fois écrite, la pensée devient idée. Une idée est quelque chose de bien précis, de figé, alors que la pensée doit toujours être en mouvement si on ne veut pas s’auto-scléroser. C’est tout le problème de l’écriture-pensée : réussir à ne pas figer son propos. Je ne pense pas avoir complètement réussi, mais j’ai tenté, du mieux possible, d’entamer des pistes de réflexions, d’entrouvrir des portes, car je ne saurais me poser comme le détenteur d’un savoir que je n’ai pas. Déjà dès l’Antiquité, le crédot Socratique était « Tout ce que je sais, c’est que je ne sais rien », cela recoupe les pensées de Bernard Lubat (voir la citation en fin d’article), et j’y vois moi aussi une vérité. Peut-être la seule. J’engage donc le lecteur à toujours garder en tête que je ne sais rien, qu’il ne sait rien non plus, mais que chercher ensemble, est peut-être la meilleure des choses :

J’ai souvent lu ou entendu dans les discours de certains auteurs de bande dessinée une utilisation frontale des termes « art » et « artisanat ». En témoigne cet extrait d’une interview de Gabriel Delmas sur scéneario.com :
« En bd, on privilégie l'artisanat du dessin, comme en animation. Personnellement, je soutiens une démarche artistique dans la création du livre et jusque dans le dessin. »
Evidemment, il n’est pas le seul : Joann Sfar, Emile Bravo, Blutch, et quelques autres auteurs ont déjà utilisés cette opposition.

C’est suite à une discussion sur un forum internet sur lequel j’ai moi-même utilisé cette opposition sans y avoir véritablement réfléchit au préalable, que j’en suis venu à me poser la question : Y a-t-il réelle opposition entre ces deux termes ? Ou est-ce un moyen détourné, et quelque peu méprisant, d’idéaliser l’art face à une production de bande dessinée plus traditionnelle, standardisée ?

Déjà, deux choses m’ont paru évidentes. Les deux termes ne peuvent pas réellement être opposés, mais plutôt dichotomiques (une dichotomie étant littéralement une division en deux, et non pas une stricte opposition), puisqu’éthymologiquement « artisan » découle du terme « art ».
Si l’on en croit le wiktionnaire, pour « artisan » : « Emprunté à l’italien artigiano, lui-même dérivé du latin ars, artis, « l’art », et de la terminaison -anus, qui indique l’origine. Originellement, l’« artisan » est celui qui met son art au service d’autrui. Ce mot a la même origine que le mot « artiste », dont il a été synonyme jusqu’à la fin du XVIIe siècle. », avant de rajouter : « Par la suite, le mot « artiste » s’est appliqué à ceux qui utilisaient leur art pour le plaisir, alors qu’« artisan » a été lié à l’esprit commercial. Aujourd’hui, on parle d’« artisan maçon », d’« artisan menuisier », etc., mais d’« artiste peintre », d’« artiste musical », etc., sans qu’il y ait mélange des deux. »

Ainsi, n’ayant jamais fait de latin, j’appris que « anus » indique l’origine, c’est qui est déjà drôle en soit, mais surtout cette recherche me conforta dans l’idée qu’une différence à bien été faite, avec le temps, petit à petit, entre artiste et artisant…

En discutant de ça avec ma compagne, nous en sommes venus à la conclusion (après un long cheminement dont je vous ferais grâce) que l'artisanat est un art, et inversement. Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont la même chose, mais plutôt qu'ils sont intimements liés. On ne peut légitimement pas comparer l'oeuvre de Picasso et celle d'un aquarelliste du port de Cassis... Non pas que l'une vaut mieux que l'autre: ca n'est pas la même démarche. Peut-on les mettre dans une même "catégorie", alors que leur intention est différente? Qu'ils ne répondent pas aux mêmes critères de jugement?

Ma compagne a ensuite renchérit en prenant l'exemple d'Ingre, et de tout l'art classique, dont l'intention est finalement plus proche de celle de l'aquarelliste (au niveau du "réalisme" de la représentation), plutot que celle de la majorité de l'art pictural contemporain...
La définition de l'art du XVIIIe n’est pas celle de l’art actuel : C'est bien que l'art a changé de définition, tout en gardant bêtement le même nom…
Cela, certainement à cause de Marcel Duchamp (en est-il la cause, ou juste le simple reflet de ce changement?):

Contrairement à ce que pensent certains, Duchamp n'a pas définitivement enterré l'art en en démontrant l'inintérêt (cette analyse est datée de la même époque que "La fontaine", et ne me semble plus valable avec le recul d'aujourd'hui), car si ça avait été le cas, il aurait arrêté là ses propres divagations (et surtout ses discours artistiques dans ses innombrables interviews) pour se consacrer à son jardin, ou oserais-je dire cultiver son (Du)champ…
Non, au contraire, Duchamp a redéfini l'art. Lui a offert un nouveau souffle, une nouvelle dimension. Il lui a donné sa connotation typique qui, je le pense, le distingue de l'artisanat.
L'objet urinoir, porte-bouteille, porte-manteau (ou n'importe quel autre ready made) est tout à fait quelconque. C'est de placer ainsi un objet banal dans une salle d'exposition, qui rend cet objet artistique : C'est l'acte.
Dans cette re-définition, l'art n'est plus un objet, n'est plus un façonnage, ni un ensemble de technique appliqué respectant une certaine tradition... Non l'art devient une intention. Seulement une intention.
C'est là que pour moi réside la réelle différence entre art et artisanat: dans l'intention. L'intention des deux est différente.

L’intention. Voilà un terme qui m’a rappelé le texte (« Notes pour la critique ») de Xavier Lowenthal écrit sur le site de la 5ème couche, dont voici un extrait :

« Il y a Art quand il y a "intention". L'Intention demande la maîtrise. La maîtrise vient du maître. Il y a "maître" quand il y a création de langage. Il y a création quand il y a ordre. Il y a ordre quand il y a logique. Il y a logique quand il y a structure des formes. La structure des formes, c'est la morphostructure. Sans morphostructure, il n'y a pas de dessin. Sans dessin, il n'y a pas d'intention. Sans intention, il n'y a pas d'art. (note : Gabriel Delmas, op. cit.) »

Ainsi, l'Artisanat m’apparaît comme un art dont l'intention est de s'épanouir dans la création d'un objet, tout en appliquant des techniques pré-établies, respectant une certaine tradition. L'artisanat n'est pas forcément un art marchand, comme on le sous-entend souvent. Dans l’artisanat, il n’y a pas d’innovation, il n’y a pas création, il y a re-création.

Et l'Art, lui, serait un artisanat dont l'intention est de se réfléchir lui même (comme un miroir pensant), le monde (je pense au Pop art par exemple, ou à Ben, ce sale profiteur qui a tout compris), ses propres limites, ses moyens, son langage… Tel une philosophie. Dans l’art, il y a création, et/ou innovations dans la re-création.

Pour ce qui est de « classer » une œuvre ou un artiste dans une de ces « définitions », comme pour tout jugement, c'est forcément subjectif ! Les limites d'une définition étant toujours floues, d'autant plus quand les deux définitions sont aussi intimements liées, chacun aura son propre « classement », sa propre hiérarchie… Mes définitions sont donc forcément floues, il faut laisser à chacun la possibilité de se les approprier. Donner des définitions trop précises, c’est donner MES définitions, et ainsi croire en MA vérité, et oublier celle des autres…

Egalement, les diplômes d’art m’apparaissent comme une absurdité tant l'installation de la notion d'art dans le contexte social du travail me semble innapropriée : L'art n'est pas un job ! C'est une pratique, voire une philosophie. L'art peut donner un boulot (dans le meilleur des cas), mais n'en est pas un. Croire qu'on va sortir d'une école d'art avec un statut, une qualification ou un travail, c'est une idiotie. Au mieux, on a tout compris, et on en sort avec une ouverture d'esprit et une philosophie. Au pire, on a rien compris et on sort avec la prétention de penser savoir et on risque fort de se cogner à la réalité du monde !

Dans la bande dessinée, c’est le même problème. Auteur est un métier. Art et artisanat y sont profondément mélés, imbriqués… Peut être que la solution réside dans la philosophie de Gabriel Delmas, pour qui la bande dessinée n’existe pas, seul le dessin existe… Car le « dessin » (« Le mot dessin tire son étymologie de « dessein » : à partir du XVIIIe siècle, ces deux mots prennent des sens distinct, comme si l'art avait fini par séparerle geste de dessiner du projet, de l’intention »), c’est la représentation de l’intention, et « c'est cette intention qui prouve l'être, au-delà de l'objet (qui n'a pas d'intention propre) qui n'existe que dans le visible imparfait de l'homme : la connaissance. » [extrait de la discussion sur la critique en bande dessinée sur le forum MDABD, par G. Delmas]

Il est particulièrement méprisable de cracher sur l’artisant, tout comme il est détestable de vomir sur l’art… Tout n’est question que d’intention avant tout, et ce n’est pas criticable en soi, car propre à chacun… Ce qu’on peut juger par contre, c’est la façon dont est présenté cette intention, les moyens utilisés pour la représenter…

Je citerais, au final, Bernard Lubat (musicien), en faisant un melting pot de plusieurs interviews:

Citation :
"je ne suis pas croyant, je suis pratiquant. Comme je pratique, tu comprends, je ne peux pas croire : puisqu'il suffit de pratiquer pour se rendre compte que ce en quoi on croit c'est du pipo.
Quand tu pratiques, rien ne se passe comme tu avais cru.
Je ne crois pas en Dieu, je ne crois pas en le paradis, je ne crois pas en l'art, je ne crois même pas en la musique. […]
Tout jeune, on découvre qu'on peut découvrir. On découvre qu'on ne sait rien. C'est fabuleux de ne rien savoir, ça laisse une place terrible. Par contre, si on nous gave en nous faisant croire que l'on sait, on ne découvre plus rien. On croit qu'on sait. C'est toujours la différence entre croire et pratiquer. Quand tu pratiques, tu cherches, tout en sachant que tu ne sauras jamais, mais tu t'en occupe! […]
Comme disais Nieztche: "On a inventé l'art pour nous sauver de la vérité". Donc la vérité, c'est pas mon boulot, c'est le boulot des curés. Je suis pas un curé, je suis pas un archevèque: je suis un menteur en scène, si tu veux. […]
Je pense que le spectateur est d'avant garde, c'est nous qui ne le sommes pas assez. Comme le disais Robert Bresson: "un art libre induit un regard libre"...
Alors, je me disais: "Vaut-il mieux être un avant-gardiste attardé, qu'un collabo précoce?"
[...] Adolescent, j'ai rien compris, c'est un peu comme maintenant, d'ailleurs... Je sais toujours pas... Mais je m'en occupe!"
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